La vraie playlist Tsigane

Paru dans la revue Le Crieur - Mai 2018
https://doi.org/10.3917/crieu.010.0048

Il n’y a pas de musique tsigane. Il y a une façon tsigane de jouer. La « musique tsigane » est un style inventé et fantasmé par les Européens et qui s’est propagé au cours des deux dernières décennies dans les capitales du Vieux Continent. De nombreux groupes « français » à la sauce Balkans ont ainsi fleuri. Des festivals spécialisés ont été créés avec pour têtes d’affiches des Tsiganes de différents pays : les Roumains du Taraf de Haïdouks, la fanfare macédonienne Kocani Orkestra, les Hongrois de Romano Drom et Parno Graszt, les fanfares serbes de Boban Marković et, plus récemment, Salijevic Orkestar. Voilà pour le « folklorique », fruit de la rencontre entre des musiciens virtuoses et autodidactes et des producteurs européens.
De l’autre côté de la vitrine, en Europe de l’Est, les Tsiganes sont depuis longtemps passés à une autre musique. En Roumanie, les manele (prononcer « manélé ») représentent la nouvelle musique populaire. On peut les entendre aussi bien lors des fêtes populaires, des mariages et des baptêmes que sur les ondes des radios, en discothèque ou dans les lieux de vie des Roms en exil. Manele, pluriel du mot « manea », désigne un genre musical défini par un rythme spécifique. Inconnu en Europe de l’Ouest, il est devenu un véritable phénomène social dans les années 1990 en Roumanie. Son identité reste confuse parce que multiple.
À l’origine des manele, il y aurait des cassettes de turbo folk qui circulaient sous le manteau à la frontière du Banat, prémices en Serbie d’une mutation du « folklore » vers le « boom-boom » techno-pop-folk qui apparaît dans les pays méditerranéens comme la Bulgarie et la Grèce…