Enfermés dans le Carnaval !

2 avril 2020. Enfermés dans le carnaval !

Ils y en a qui furent complètement déboussolés entre quelque chose de très goutteux d'une part et de très grandes tensions d'autre part.
Je suis devenue quantique, ça ne se passe plus dans les viscères. La séance de psy avec Lacan par téléphone devant le Mont Froc enneigé. Le cul dans l'herbe, des chevrettes sautent en petits bonds frais. Je frémisse.
Pierre-Louis transforme la réalité tout le temps. Il est dans une résilience permanente. Il y a quelques jours encore je me sentais arracher l'intérieur par un avant-bras me pénétrant. Aujourd'hui quand il apparaît, je lui tape le poignet et il s'en va.

On a eu le Covid. Les interlocuteurs répétaient : Quels sont les symptômes ? Il a mal a la tête ? Et dans ma tête à moi, ça disait: qu'est ce qu'on s'en fout des symptômes ! T'as toux sèche : t'as Covid. T'as toux grasse : t'as Covid. Tout était devenu symptomatique.

Et tous autour répétaient la même question. Ils ne s'en étaient pas rendu compte les-uns les-autres car ils ne se voyaient pas. Un cri sanitaire transformé en crise -tracking - un cri transformé en crise sanitaire. C'est l'histoire d'un mec qui débarque aux Urgences avec le bras cassé. On a cru que c'était un nouveau symptôme. Allez les bras cassés ! On continu.

Le masque de l'infirmière lui fait de l'asthme. On sait pas si c'est les solvants. Émilie est sous antihistaminique depuis qu'elle met le masque 13 heures par jour. Avec qui tu t'es confinée ? Je suis moins énervée pendant le confinage que dans la vie libre. Je crois que la contrainte me calme. Ce soir, un gars a dit que Jean Genet faisait des petits vols pour se faire enfermer en taule. Ça lui permettait d'écrire. Ainsi il se libérait. Une fois sorti, il n'avait plus rien à dire. Bon. Et après ? On fait quoi des mutineries et du contexte , Jean ? Y a même un médoc pour supporter le ventilateur en réa et en même temps y a de la peinurie. La morphine et les trucs pour faire dormir. À 75 ans, on te prend en réanimation pour t'endormir à vie. J'ai toujours rêvé d'être pandémique et pends moi par la main. Il y a quelques jours, je collais au chalet pleine de buée et j'avais des images. On me tirait par les cheveux. Il y en avait plein par terre. Je danse dans 9 m² en écoutant Nancy Holloway. Le mec n'est pas venu au rendez-vous. Elle avait mis sa plus belle robe. Dans une autre chanson, elle lui dit : prend tes clefs !

Hospitaliser pour un Covid, c'est la solitude incarnée. L'aspect positif des religions qui enferment à la maison est aujourd'hui révélé. Tu verras rarement une personne crever de faim, de fin ou de solitude dans les pays maghrébins. Les familles se retrouvent. C'est déjà ça. L'aspect négatif de ce phénomène positif, c'est qu'ils finissent par étouffer. Y aura jamais de solution.

Les gens meurent en étage. Le vieux de Tunisie, tu lui dis oui oui vous allez vous en sortir tout en sachant très bien qu'il y a de grandes chances qu'il ne se réveille pas. Les salles d'attente se transforment en lieu de réanimation. C'est pas un manège ; ç’aurait pu en être un en d'autres mœurs. J'ai écris fashing. Je voulais être sûre que le mot n'existait pas et je suis tombée sur une définition en allemand - Fasching feiern : faire le carnaval. OK. On sait plus dans quel sens du coup. Ça a frappé aux portes de chez quelqu'un ce matin. Quelqu'un qui avait mis une banderole à sa fenêtre. On venait le tracker - Putain merde, on est enfermé dans le carnaval ! me répète Pierre-Louis.